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Thème  (Septembre 2002)

TRAVERSER LES ALPES

Si ce thème se focalisera sur les Alpes françaises, il convient cependant de regarder le modèle Suisse, modèle initié par la volonté d'habitants qui participent activement aux orientations politiques. Ce modèle est bien entendu la priorité donnée au transport par rail des camions, voire même des voitures pour le passage sur certains axes. Un modèle qui pourtant a trouvé ses limites avec l'incendie du tunnel routier du Gothard. Des tunnels routiers ou non qui se retrouvent montrés du doigt pour les risques engendrés à ses occupants en cas d'incendie. De tous ces évènements, et au-delà, de nombreuses questions donc se posent désormais à tous.

 

Le transport par rail doit-il limiter l'évolution du transport routier ? Deux points de blocage existent à ce jour : L'idéologie écologiste qui vise à remplacer les passages routiers par des passages uniquement ferroviaires. L'autre point est lié aux contraintes économiques qui limitent les possibilités d'investir, et donc de développer au même moment les deux modes (rail et route) de façon appropriée. Au-delà, il est totalement impossible de développer uniquement le transport des camions par rail, car les capacités du rail resteront insuffisantes, ceci même après de lourds investissements. A ce jour on évalue que l'axe ferroviaire Lyon-Turin ne servira qu'à absorber l'augmentation du trafic des camions attendu d'ici 2015. La saturation du trafic au niveau des tunnels existants sera donc toujours la même après ce lourd investissement. Aussi, les nouveaux ouvrages pour le transport des camions par rail doivent concerner une distance assez longue pour être rentables à la fois en temps et financièrement (50km semble être la distance minimum). Ceci veut donc dire qu'une partie du trafic des camions sera toujours amené à utiliser un tunnel routier pour pouvoir atteindre les clients à livrer de chaque côté de la montagne.

photo : Hupac  011b.d5.jpg (20720 octets) Autoroute roulante près du Gothard, en Suisse.

Quel est l'intérêt de doubler les tunnels routiers ? La question de faire de véritables continuités autoroutières avec le doublement des tunnels routiers monotubes sous les Alpes se pose pour certains en Suisse. Quel est donc l'intérêt de faire à partir des tunnels monotubes, des tunnels bi-tubes ? L'intérêt est d'abord celui d'intégrer le trafic qui déborde (au-delà du rail) dans les vallées à ce jour, un problème d'autant plus important avec les nouvelles règles de circulation apportées par l'incendie du tunnel du Mt-Blanc. Mais c'est aussi et surtout la sécurité qui doit l'imposer : Pas de risques d'accidents frontaux, l'accès plus facile pour les secours par deux tubes, la possibilité de réaliser des travaux d'amélioration en fermant un seul tube (La fermeture d'un ouvrage monotube à fort trafic est souvent dissuasive, tant pour les gestionnaires de l'ouvrage, les autorités, que pour les utilisateurs). L'essentiel finalement étant pour tout tunnel (monotube ou pas, routier ou pas) de permettre aux personnes de fuir l'incendie au plus vite par un tunnel piéton protégé.

photo : C.Chauplannaz   a43.orelle.d5.jpg (20097 octets) Sortie du tunnel d'Orelle (A43)

De quelle façon faire passer les camions sur le rail ? Camion entier sur wagon (système associé au terme générique d' "autoroute roulante") ? Camion et remorque séparés à la façon du nouveau wagon Modalohr ? Remorque uniquement ? Voire même limitation au seul conteneur ? La réponse définitive se trouve sans doute dans le système le plus pratique pour les utilisateurs, là où le gain de temps sera le meilleur. Pour des distances inférieures à 500 km (voire 1000 en exagérant un brin !) l'autoroute roulante visant à embarquer camion et remorque en entier est la solution idéale - en pouvant même imaginer qu'avec un système en adéquation avec l'autoroute et des trains assez rapides, les camions puissent gagner du temps sur leurs déplacements par rapports aux axes autoroutiers classiques. Le modèle Suisse est un exemple, tout autant que le Shuttle d'Eurotunnel (Eurotunnel côté Français, c'est un accès direct à l'autoroute A16 et jusqu'à 6 navettes par heure 24h/24 pour parcourir en 35 minutes les 50km qui séparent la France de la Grande-Bretagne). Le modèle Suisse a instauré le wagon plateau à petites roues, afin de permettre d'utiliser les tunnels à gabarit classique. Mais l'usure prématurée de ces petites roues a dissuadé les français (à tort ou à raison ?) d'utiliser ce wagon plateau. Mais les innovations en 2001 et 2002 apportent de nouveaux matériels : En France ce sera la naissance du wagon Modalohr (du constructeur français de remorques Lohr), avec pour inconvénient de séparer le camion de sa remorque (d'où perte de temps). Depuis peu, les Suisses et les constructeurs auxquels ils font confiance, ont réussi à concevoir un wagon à la fois à grosses roues et à plancher bas. Les Suisses auraient-ils encore une fois un temps d'avance dans le domaine qui préoccupe temps les organisateurs du rail en France ? Au-delà, la fierté française et l'inertie de la SNCF empêcheraient-elles notre pays de s'associer aux expériences des pionniers en la matière afin de faire progresser plus rapidement nos matériels roulants ? Autant de questions qui pointent le retard accumulé en ce qui concerne le règlement d'une partie du problème du transport des camions sur rail. Cependant, les réponses données aux problèmes sous l'ère Gayssot peuvent encore changer avec le nouveau gouvernement...

photo : Hupac 008b.d5.jpg (14051 octets) Chargement d'un camion en Suisse sur un wagon à petites roues.

Quels axes développés depuis la France ? On a beaucoup entendu parler du Lyon-Turin, et de son financement bien difficile à mettre en place même après la création d'un pôle de transport commun aux Alpes françaises : Le Pôle Alpin, qui regroupe notamment les sociétés d'autoroutes AREA (Rhône-Alpes), ATMB (Mont-Blanc) et SFTRF (Maurienne/Fréjus). Le Lyon-Turin prévu pour 2012/2015, grand projet ferroviaire nécessitant de creuser plusieurs tunnels (dont un de 52km) sera précédé par deux autres offres de transport : En 2003, les terminaux ferroviaires (reliés directement à l'autoroute) d'Aiton (France-vallée de la Maurienne) et d'Orbassano (Italie-à proximité de Turin) verront transiter sur le wagon expérimental Modalohr les camions citernes et autres camions de faible hauteur (prévision = 50000 véhicules/an). En 2006, sont attendues une trentaine de navettes par jour sur cette même liaison (prévision = 300000 camions/an - à comparer à plus de 1,5 millions de camions/an actuellement au tunnel routier du fréjus !) après l'agrandissement du tunnel du Mt-Cenis qui pourra alors tolérer le passage de la majorité des gabarits de camions. Au-delà de l'axe stratégique Lyon-Turin, d'autres projets existent : Tout d'abord le projet de réouverture, au ferroutage, de la ligne entre Evian-les-Bains et St-Gingolph (sud du lac Léman), via l'Italie. Cette ligne transfrontalière a fait l'objet d'un accord franco-suisse pour la réalisation d'études en matière de trafic potentiel de fret et d’environnement. Il n'y a donc aucune certitude quant à sa réalisation future. Si la liaison concernée semble viable à première vue, quelques gros travaux sont cependant nécessaires pour adapter l'itinéraire au transport de camions. A savoir que la Suisse, qui souhaite continuellement se désenclaver, s'implique assez facilement dans le financement des infrastructures au-delà de ses frontières ! L'autre projet connu en Haute-Savoie depuis de nombreuses années, est la construction d'un tunnel dédié au transport des camions par rail sous le Mont-Blanc. Abandonné car trop court et trop coûteux pour ne pas être déficitaire, ce projet ne pourrait-il pas refaire surface dans une optique plus large - en lien avec le projet de liaison franco-suisse ? Mais le lien ferroviaire entre Annemasse en Haute-Savoie et l'Ain, dans une géographie montagneuse complexe, demande là encore des travaux lourds. La longue barrière montagneuse qui sépare la France de l'Italie voit naître encore bien d'autres ambitions plus ou moins utopiques depuis l'incendie du tunnel du Mont-Blanc : passage sous le Montgenèvre et/ou sous le col de Larche ? en revanche, il existe deux grandes certitudes : La multiplication des points de passage entre la France et l'Italie est indispensable pour répartir le trafic (un problème qui ne se poserait pas en plaine, où le trafic pas forcément moins volumineux des camions n'engendre pas de problèmes aussi importants). Ensuite, on sait que les financements sont très limités pour réaliser un programme adapté, tant du côté autoroutier que ferroviaire. Si gouverner c'est prévoir, on peut tristement regretter les non-décisions de l'Etat français depuis une vingtaine d'années dans les Alpes, à commencer par le doublement des tunnels du Mt-Blanc et du Fréjus dans les années 80, puis par les retardements successifs dans le lancement du projet Lyon-Turin. Aujourd'hui, il faut faire face à l'urgence dont les remèdes ne peuvent se mesurer qu'après de longues années de constructions aux coûts financiers énormes.

Cyril Chauplannaz (info-autoroute.com)

en + : les Alpes sur le site du ministère